Design urbain et dessein d’un métier

Que fait un designer urbain?

Rencontre avec le professeur Michel Max Raynaud au sujet de son livre Profession : Designer urbain aux Éditions Presses de l’Université de Montréal.

Quelques semaines après la sortie du livre à l’automne dernier, nous avons rencontré l’auteur, Michel Max Raynaud, professeur agrégé à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal et directeur de l’Observatoire Ivanhoé Cambridge du développement urbain et immobilier. Le design urbain, la gestion de projets et les aspects fonciers font partie de son champ d’expertise. Nous avons saisi l’occasion de recueillir le point de vue de M. Raynaud sur les raisons de traiter du métier de designer urbain [1]. Ce fut aussi l’occasion d’échanger sur les origines de la profession, sans ignorer le débat sur le leadership qui persiste depuis plus d’un demi-siècle.  

1.     Pourquoi écrire un livre sur la profession de designer urbain?

Aux dires de M. Raynaud, certaines motivations sont à l’issue de la création de son livre. Trois en sont ressorties dans la discussion. La première vient d’une question posée à l’université. Rappelons que la formation en design urbain s’offre au deuxième cycle dans certaines universités québécoises, dont l’Université de Montréal : « Ce qui est intéressant, c’est qu’on enseigne le design urbain, mais qu’on n’y enseigne pas ce qu’est un designer urbain. Il est un peu partagé par toutes les professions qui touchent l’espace urbain […] Cette question, elle a été posée un jour en sortant de mon cours par une étudiante qui m’a posé la question absolue : que fait le designer urbain? »

La deuxième motivation qui a conduit à l’achèvement du livre touche plus concrètement la demande d’un projet. Ici, M. Raynaud soulève un enjeu majeur dans la réflexion sur la profession. La commande change et les attentes relatives à un projet d’architecture et d’aménagement de qualité sont en train de gagner du terrain : « Toutes les professions vont être forcées de se pencher sur le design urbain. Pourquoi? Parce que le design urbain est une demande aujourd’hui. Une demande des gens. Une demande citoyenne ». Dans un contexte de gouvernance urbaine, de multiples acteurs cherchent à rénover, à requalifier et à réaménager leur territoire urbain face à la compétitivité accrue des villes, dans un souci d’attractivité économique et touristique. Des instances privées et publiques voudront investir de plus en plus dans les projets urbains pour assurer notamment la qualité de l’espace public urbain et améliorer et arrimer ensemble l’habitat, l’espace urbain public, le transport et l’infrastructure dans un milieu de vie de qualité.

Mais le design urbain est une discipline complexe qui recoupe différentes disciplines. En cela, la production de ce livre a été aussi motivée par la nécessité de circonscrire le métier à partir de balises claires. Il importe de reconnaître que des professionnels expérimentés qui proviennent de l’architecture, de l’urbanisme et de l’architecture du paysage maîtrisent les aspects du design urbain et font d’excellents gestionnaires de grand projet de design urbain [2]. Toutefois, Michel Raynaud affirme que le design urbain devra s’affirmer comme une discipline autonome, ce qui est en train de se produire. Il soulève le questionnement suivant : « Plus traditionnellement, les architectes s’attribuent le design urbain, pour une bonne raison. On les amène à dessiner des espaces : des espaces intérieurs, des bâtiments, et ils dessinent aussi des espaces publics. Ils font du design urbain. Dans une commande normale, on va faire appel à des compagnies d’architecture pour dessiner les places, comme on a pu le voir sur plusieurs opérations à Montréal. Maintenant, est-ce que c’est ça le design urbain? Est-ce qu’on dessine quelque chose dans une ville, et on est designer urbain? C’est la question qui se pose ». L’appropriation exclusive du design urbain que certains professionnels issus d’autres disciplines peuvent faire représente-t-elle un obstacle dans la définition du design urbain? Michel Raynaud estime que oui : « On a du mal à comprendre le design urbain parce qu’il est encore collé à autre chose ».


[1] À moins d’indication contraire, les citations sont tirées de l’entretien avec M. Raynaud. 

[2] Dans le livre Les grands projets urbains, grand projet urbain se définie comme « un projet dont l’ambition explicite et l’impact recherché – dans toutes ses dimensions – sur le milieu d’insertion dépassent la simple production d’un objet urbain » (Hubert, Lewis, Raynaud 2014).