Les enjeux de la diversité ethnique et d’immigration dans la revitalisation urbaine.

L’étude de ce cas a permis de constater que les intervenants qui oeuvrent en développement social répondent à l’augmentation du nombre de nouveaux arrivants en adaptant de manière innovante l’offre de services sur le territoire de la RUI par l’implantation de dispositifs d’accueil et d’intégration, notamment en matière de logement, d’éducation et d’emploi. Des efforts considérables sont déployés pour mobiliser les résidents nouvellement arrivés au pays afin qu’ils participent aux événements et aux consultations portant sur l’avenir de leur quartier. Pour faciliter les échanges et optimiser les services, les intervenants tiennent compte de la langue parlée, de la période d’arrivée et du pays d’origine des résidents. De leur côté, les intervenants en urbanisme sentent moins le besoin d’adapter leurs interventions avec les résidents de la RUI en tenant compte des enjeux de diversité ethnique et d’immigration – qui, par ailleurs, sont des enjeux distincts.

L’étude de cas soulève une disparité significative entre la manière de traiter de diversité ethnique et d’immigration selon que les acteurs pratiquent en aménagement urbain ou en développement social. Cela peut être lié au fait que les intervenants interrogés issus des différents secteurs d’intervention ont des points de vue qui diffèrent sur la façon d’aborder ces phénomènes selon la formation et les expériences, individuelles et professionnelles. Par ailleurs, bien que la plupart des intervenants de la RUI soient conscients des changements socio-démographiques liés à l’immigration, la question de l’expression symbolique identitaire des communautés ethnoculturelles établies dans le quartier n’est pas traitée dans la démarche RUI. Ainsi, l’analyse conduite amène à remettre en question la dimension « intégrée » de la démarche de revitalisation urbaine pour le cas d’Airlie-Bayne.

Rôle de l’urbaniste : atout et défis dans la RUI

De l’élaboration du processus à la réalisation des objectifs, la RUI est un travail de longue haleine, comportant des actions tant immédiates qu’à long terme. Cela dit, les urbanistes y jouent un rôle considérable, car ils sont appelés à agir sur plusieurs aspects de la démarche.

Qu’ils proviennent des domaines public, communautaire ou privé, les urbanistes y contribuent en amont. Autant ils s’impliquent dans l’analyse du lieu et son diagnostic, autant ils participent activement à la création du plan d’action et à la proposition de réaménagement urbain qui affectent l’organisation des usages, l’infrastructure bâtie et le verdissement à l’intérieur des limites physiques du territoire visé.

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Rue Airlie dans la zone de la RUI Airlie-Bayne.

Leur apport à la démarche dépasse également l’enjeu physico-spatial de la revitalisation. Ils occupent une place d’influence auprès des acteurs sociaux durant le processus de revitalisation. Les urbanistes jouent un rôle de portevoix pour qu’un plus grand nombre de résidents soient entendus. Très tôt dans le processus, ces derniers doivent être consultés sur leurs besoins qui ont une incidence sur l’offre de services municipaux (habitation, transport, commerces, parcs, sports et loisirs). Les objectifs de la RUI doivent être conformes avec les outils de planification et de réglementation, plus particulièrement en matière de zonage. Les besoins des résidents peuvent concerner la redistribution équitable des fonctions urbaines, mais leur expression représente une occasion de réfléchir et de réévaluer les normes et les critères d’urbanisme et de design. Finalement, les alliances entre les secteurs privé et public sont nécessaires à la réalisation des objectifs de revitalisation de l’espace bâti, ce qui favoriserait une meilleure compréhension des réalités variées rencontrées en contexte de diversité ethnique.

Composer avec la diversité ethnoculturelle dans la RUI

Pour développer une véritable démarche intersectorielle, durable et inclusive, les différents professionnels devront acquérir des outils pour mieux comprendre les réalités plurielles qui définissent les acteurs sociaux de la RUI. Dans le futur, les urbanistes devraient s’attendre à rencontrer davantage de populations hétérogènes et à recevoir d’elles des demandes qui touchent la dimension ethnoculturelle identitaire dans le cadre de leur pratique. Ainsi, la formation et la sensibilisation sur les questions d’ordre ethnique et migratoire devraient s’offrir aux secteurs impliqués dans la démarche RUI. Par exemple, l’acquisition de connaissances sur l’utilisation des données statistiques ethniques est importante car ces données sont soulevées dans le profil socio-démographique des RUI.

Devant les réalités liées aux changements migratoires des grandes villes, la mobilisation et la participation pour tous devront passer par une prise de conscience, et par la reconnaissance des enjeux liés à l’immigration et à la diversité ethnique qui pourraient se traduire dans l’espace urbain. Pour y parvenir, les urbanistes devront s’entourer d’experts qui les accompagnent dans la RUI. Une collaboration soutenue avec les spécialistes – notamment en immigration et en gestion de la diversité ethnique, ainsi qu’avec les représentants des communautés issues de l’immigration et de la diversité ethnoculturelle sur le territoire de la RUI – permettrait d’éviter de masquer ou de surexposer l’expression identitaire ethnique d’un groupe de population dans l’espace urbain. Encore, il faudra favoriser les échanges et raffermir les rapprochements entre les secteurs municipaux.


Carolyn Kelly Dorais, M. Sc. A. M. Sc., designer urbain chez ZΛRΛTÉ LΛVIGNE Architectes.