Le défi de la recharge en copropriété : quelle mesure prendre pour installer une borne électrique?
Vous habitez un immeuble en copropriété qui comporte un stationnement intérieur ou extérieur et des copropriétaires se sont portés acquéreurs de véhicules électriques ou hybrides branchables. Ils veulent faire installer des bornes de recharge privées. Avant toute prise de décision, il est important de procéder à une réflexion sur la faisabilité de la mise en place de bornes électriques.
Cet article veut vous apporter des outils de réflexion pour faire un choix avisé, car il existe plusieurs solutions possibles.

Pictogramme officiel d’un véhicule électrique au Québec
Le « droit à la borne électrique »
En France, depuis le 1er novembre 2014, un décret gouvernemental reconnait aux copropriétaires ou locataires d’un logement en copropriété le droit de demander que leur case de stationnement privative soit équipée d’un point de charge avec système de facturation individuelle.
La loi va même plus loin en obligeant l’installation de précâblage dans les immeubles neufs. Au Québec, on est encore bien loin d’être aussi avancés… Et pourtant, les véhicules électriques sont déjà parmi nous et leur autonomie augmente à chaque génération (par exemple la Chevrolet Bolt avec 330 km d’autonomie annoncée, la Hyundai Ioniq avec 200 km et la Nissan Leaf avec 172 km).
Les systèmes disponibles en Amérique du Nord, sont assez normalisés pour que l’installation technique soit relativement facile à comprendre.
Mais le véritable défi réside plutôt dans la gestion de la perception de l’ensemble des copropriétaires concernés quant à de telles installations et dans la gestion des frais de facturation…

Quel système adopter ?
Les principaux manufacturiers et produits sur le marché sont AddÉnergie (Flo), Elmec (EVduty), compagnies québécoises, ainsi que Siemens (Versicharge) et Leviton (Evr-Green). Les critères de choix pour un système de bornes devraient être l’ergonomie et leur durabilité, le coût initial et la facilité d’utilisation et de gestion de la facturation, sans oublier la qualité de l’assistance technique du manufacturier.
Si des modifications aux branchements principaux ou l’installation de contrôleurs s’avéraient nécessaires, il faudra prévoir des honoraires de conception par un ingénieur en électricité, membre de l’OIQ. Quant aux frais de l’installation physique, la pose par un électricien qualifié membre de la CMEQ et possédant de l’expérience avec de telles installations est un incontournable.
En Amérique du Nord, le connecteur mobile des véhicules électriques est normalisé (SAEJ1772) depuis 2010, ce qui simplifie la vie : tout véhicule électrique acheté ici pourra être raccordé à tous les types de borne de recharge (même une Tesla avec adaptateur).
Quel type de recharge utiliser ?
La plupart des véhicules électriques possèdent un chargeur embarqué de « Niveau 1 ». Ce type de recharge fonctionne sous 120 volts de tension est moins recommandée, car elle allonge globalement le temps de recharge (jusqu’à 12 à 16 heures pour un véhicule entièrement électrique). Mais ce type possède un avantage, celui de ne nécessiter qu’une prise de courant normale, parfois déjà fournie au copropriétaire à proximité de sa case de stationnement.
Pour accélérer la recharge, la plupart des systèmes proposent une recharge de « Niveau 2 » sous tension de 240 volts monophasée pour une recharge relativement rapide (3 à 4 heures toujours pour un véhicule entièrement électrique).
La borne de recharge de niveau 2 peut être branchée avec une fiche dans une prise murale 240 volts de type 6-50P ou 14-50P ou être raccordée directement à un panneau de distribution avec circuit distinct. C’est ici que ça se corse….
Quant à la recharge rapide (400 volts ou plus) elle n’est disponible que sur le « Circuit électrique » du Québec, dans les réseaux de recharge publics seulement.
À quelle source d’alimentation électrique se raccorder ?
Examinons ici deux cas distincts:
-Dans le cas d’une copropriété dont la case de stationnement est située entièrement dans la partie privative (par exemple dans une maison attenante), l’alimentation électrique de la borne de recharge pourra être reliée au panneau de distribution de la maison, ce qui rend l’installation similaire à celle d’une maison unifamiliale.
-Dans le cas d’une copropriété dont la case de stationnement est située dans le garage commun d’un immeuble en copropriété et dont le copropriétaire possède sa case de stationnement, celui-ci doit convenir avec le syndicat d’un emplacement adéquat pour l’installation de la borne de recharge.
L’alimentation de cette borne peut provenir du circuit du compteur électrique privatif du copropriétaire ou du compteur partagé desservant les aires communes de l’immeuble en copropriété.
Il est souvent impossible de raccorder électriquement à la tension 240 volts une borne de recharge au panneau de distribution individuel du copropriétaire, généralement situé dans l’unité de copropriété.
Solutions :
Il peut s’avérer plus facile et moins coûteux de raccorder des bornes de recharge à un panneau de service commun situé dans la salle électrique du garage. Ce faisant, vous devrez mettre en place un système de bornes privées payantes. Un tel système permet à un copropriétaire de brancher son véhicule au moyen d’une carte à puce ou d’une application mobile qui reconnait l’usager et le véhicule. Les frais sont ensuite perçus sur la carte de crédit de l’usager par la compagnie installatrice, qui retournera le montant, déduit d’un frais d’administration, au Syndicat.
Une autre solution plus « low-tech » consiste à alimenter la borne à partir d’un circuit dans le panneau commun, mais en le munissant d’un compteur distinct : économique, mais vous aurez à faire des calculs ! De toute manière, le principe est simple afin de préserver l’équité entre les copropriétaires : il faut facturer à l’automobiliste électrique les kW qu’il utilise. Ainsi le principe de l’utilisateur-payeur facilite l’implantation du système.
Si vous optez pour l’alimentation des bornes à partir du service commun, il faudra vérifier si la capacité est suffisante pour le nombre de bornes désirées en tenant compte de l’expansion future.
Autrement, il peut s’avérer nécessaire de modifier la capacité du service commun et vous devrez faire concevoir des modifications au branchement principal par un ingénieur en électricité.
De manière générale, il sera plus économique de procéder au raccord des nouvelles bornes de type 2 au panneau de service commun plutôt que d’effectuer le raccord des bornes au circuit individuel du copropriétaire en amont de son compteur. Il existe également des contrôleurs qui permettent de moduler l’heure et l’intensité de la recharge entre les bornes installées. Ce type de contrôleur peut permettre d’alimenter les bornes sans nécessairement grossir la capacité du branchement de service commun.
De plus, la plupart des bornes elles-mêmes sont pourvues de sélecteur d’intensité de la recharge, ce qui permet une flexibilité supplémentaire.
Bornes murales ou bornes sur pied ?

Exemple de borne murale sur mur de béton
Le choix d’un type de borne de recharge murale ou sur piédestal dépend de plusieurs facteurs. Si l’espace des cases de stationnement est limité, nous ne voudrez pas réduire les dimensions de celui-ci en implantant des bornes sur pied comme celles utilisées à l’extérieur. Le mur d’appui est-il compatible avec des installations murales ?
Les normes d’accessibilité s’appliquent
De plus, dans toute installation de bornes de recharge, il ne faut pas négliger de se conformer aux dispositions de la section 3.8.2.2 des normes de conception sans obstacle énoncées dans le Code de construction du Québec, chapitre I – Bâtiment.
Quel sera l’impact sur la facture d’électricité ?
Dans le cas d’une installation telle qu’un immeuble d’habitation en copropriété où le mesurage de l’électricité est collectif (tarif DM de l’Hydro), il est peu probable que la consommation d’une borne de recharge de niveau 2 entraîne une augmentation des coûts liés à la puissance maximale appelée.
Et pour que le courant passe…
En attendant le « droit à la prise », il y de plus en plus d’intérêt pour les véhicules électriques. Une consultation non contraignante sur le sujet pourrait vous éclairer sur l’opinion et les attentes de vos copropriétaires.
Si vous voulez que le courant passe entre les copropriétaires, et que ceux-ci fassent un choix éclairé lors d’un projet d’installation de borne de recharges privées, il faudra leur présenter un projet bien structuré et viable économiquement.
De plus, une aide financière est offerte par le Programme d’électrification des transports, qui peut s’élever jusqu’à 12000 $ sur une installation de borne de recharge résidentielle.
Bonne réflexion !
Zaraté Lavigne propose son expertise-conseil, suivez ce lien pour en savoir plus.
Jean-François Lavigne, Architecte associé chez ZΛRΛTÉ LΛVIGNE Architectes.
©ZΛRΛTÉ+LΛVIGNE Architectes Inc.